Avant c’était correcque, mais là y me lâchent pu. Criss j’ai rien faittt ! Je sors pas… Je parle à personne… Une bière, fumer, un programme à TV, me semb que c’est pas trop demandé. Y a toujours quek’un asteure qui cogne à porte ! Sacrez-moé patience de temps en temps !
Un pompier. Y veut voir si mon détecteur de fumée fonctionne. Ben oui y fonctionne. Y fonctionne mieux que moé… Pis y a l’autt gars, là, en uniforme, un criss d’air bête qui parle de bebittes. Ça fait des mois qui est tout le temps icitte, y regarde dans mes affaires, y chiâle sur toutt ! « Ton ménage est pas faite ! Y a de la vaisselle sale qui traîne. »
Pis y a l’autre, là… Le jeune avec sa p’tite barbe trimée qui me dit qu’y faut que je recyque pis que je composte. Paraît que je pourrais avoir pour ça un bac vert, un bac bleu, un bac brun, c’est compliqué son affaire… Ouin, y a aussi la jeune en robe à fleurs… Elle, a m’écœure. A me parle comme si j’étais un débile. A me dit que de temps en temps y vendent dans salle communautaire des légumes rares pis que je pourrais être bénévole là. Heille, voir si je vas manger des légumes que je connais pas !
Ça c’est une farce. Ça fait vingt ans que je vis icitte pis y a jamais personne qui y est venu réparer kèkchose, mais ça fait vingt ans qu’y a un gars de la Ville qui vient faire son tour. Y regarde tout le temps les mêmes trous, les mêmes craques, y note ça pis y crisse son camp. Drôle de job.
Icitte, y a jusse la tache noire au plafond qui change.
Le gars qui prend des notes m’a dit: « C’est des champignons ». Je vois pas le rapport, mais y m’a demandé la dernière fois: « Craches-tu souvent ? As-tu de la misère à respirer ? »
Hier, y en a un nouveau qui est débarqué. Y est venu me donner un ticket. J’avais pas mis mes vidanges à bonne place pis pas la bonne journée. Je savais même pas qu’y avait une journée pour les vidanges. Pis anyway, des fois chus tellement fatigué que je sais même pas quel jour on est…
Ces temps-citte j’ai deux gars habillés en noir sur le dos. Cognent tout le temps chez nous. Travaillent pour la sécurité de la Ville. Y disent qu’y reçoivent des plaintes à cause du bruit pis parce qu’y paraît que ça pue chez nous. Je leur ai dit la première fois, je mets ma TV un peu fort parce que j’ai de la misère à entendre. Y comprennent pas, y reviennent tout le temps. Doivent être sourds…
Depuis un boutte, ça rempire. J’ai une femme de la Ville qui me lâche pas. Au début, a m’a chicané un peu. A m’a dit qu’y fallait qu’on se voye, qu’on se parle. Ça me tentait pas. A commencé à m’envoyer des lettres. Je sais même pas lire… Kess-tu veux que je fasse ? Je veux pas la voir ! Là, on m’a dit qu’a va m’amener à Régie… Je sais pas de quoi qu’y parle… Qu’ossé ça la Régie ?
Chus pas assez dans marde de même, c’est rendu que trois quatre fois par semaine j’ai la police qui débarque. Eux auttes aussi y reçoivent des plaintes. Je leur ai dit l’autre soir, parti comme c’est là là, m’a tout casser, m’a en tuer un ou m’a me tuer. Ç’a même pas pris dix minutes, y m’ont sorti.
J’ai passé la nuitte à l’hôpital. Y m’ont donné des pilules pis le lendemain chus rentré chez nous en taxi. Sont durs à suivre. Sont là, toute la gang, à me dire qu’y veulent m’aider, mais c’est pas logique leur affaire…Y pourraient pas me lâcher… Y pourraient pas recommencer à m’oublier.
Le comité de quartier de la Petite-Bourgogne
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