Ce texte est la transcription d’un témoignage oral.
Quand j’ai faite ma d’mande pour avoir un HLM, j’étais dans rue. Ça m’a pris 12 ans pour avoir un HLM. Le problème que j’avais, c’était la consommation. J’étais su l’crack. J’ai toujours eu de la misère avec ça. Depuis 86, j’me suis battu pour avoir une vie normale. Avoir un HLM, ça m’a donné un pas plus grand pour m’en sortir.
C’était dur pour moi d’être autonome. Quand j’suis rentré dans mon logement j’avais juste un frigidaire pis un matelas. Ça m’a pris 9 ans pour avoir des meubles complets dans mon logement. Quand j’ai eu mon logement, ça m’a donné la force pour aller d’mander de l’aide.
La vie a été meilleure après. Le monde de la Ville pis du CEDA m’ont sauvé la vie. Cette histoire-là m’a amené à trois tentatives de suicide. À quêque part, y a un bon Dieu, y a quêqu’un à quêque part qui m’a montré que j’tais pas prêt à partir. La vie était pas bonne pour moé, j’avais honte d’la saleté que j’étais.
J’tais renfermé avant, j’gardais mes problèmes pour moé, j’me calais en n’en parlant pas. Avoir un HLM ç’a toute changé. J’ai commencé à parler pis à m’impliquer, en sachant que c’que je pouvais r’cevoir, je pouvais l’donner. J’ai pu faire ça la journée que j’ai eu une place en d’sous des pieds. Des bancs de parc, des r’fuges, des poubelles pour manger, ça donne pas l’courage pour rien faire. Tu vis pas, tu survis.
Ce qui m’affecte en HLM, c’est la détresse que les gens ont par la malpropreté pis la maladie, y’a énormément d’maladie. J’ai été dans des logements pour aider des personnes mentalement pis physiquement pas en forme. J’me suis rendu compte qu’y a des gens qui ont plus de misère que j’en ai jamais eu. J’ai vu des logements délabrés avec des coquerelles pis des punaises de lit du plancher jusqu’au plafond. Y’en a qui ont absolument rien, c’est juss sale pis encombré. J’connais quêqu’un qui pisse dans une chaudière parce que sa salle de bain est trop pleine de stock.
J’comprends pas pourquoi que ces gens-là reçoivent pas d’aide. J’en connais une autre qui a crissé le feu dans son appartement parce qu’a’vait besoin d’aide. C’était un cri d’au secours, en tout cas, moé j’vois ça comme ça.
Y l’ont sortie avec la police, les pompiers pis les ambulances. A’vait vraiment besoin d’aide, a dépérissait à vue d’œil. Quand est rentrée icitte, c’tait une belle femme, les cheveux longs, toujours propre. A’vait des problèmes, comme bin du monde icitte, était su’é pilules. A s’est mise à prendre du crack pis d’l’alcool. Y l’ont ramenée, a va bien pour l’instant. En espérant qu’son suivi continue, pis qu’on y donne l’aide qu’a besoin.
Le système l’avait oubliée. Ostie que c’est fou! Ça m’décourage que du monde vivent encore de même en 2018. C’est épouvantable criss!!! J’en r’viens juss pas.
Y’en a qui sont handicapés ou en fauteuil roulant, sont tout seuls, sont pas capables de s’laver, y’a aucune adaptation mentale ou physique pour répondre à leurs besoins.
J’connais une grosse femme qui a pas de jambes. A peut pas bouger, est tellement grosse qu’y peuvent pas y mettre une couche. A pue, son linge est sale, a passe ses journées couchée ou assis sur un fauteuil roulant. A pas de famille, pas d’amis, y’a juste le CLSC qui vient de temps en temps.
Tout ce qu’a l’a dans vie c’est un chat, a rien d’autre. Y‘a une coupe de mois, son chat a gratté les coins de murs. Ç’a faite des trous, les punaises pis les coquerelles sont rentrées dans son logement. A pouvait pas rien faire, a pas l’énergie pour faire les démarches, est perdue dans toute ça, était prisonnière dans son appartement, même le CLSC voulait pu l’aider. Les rares fois qu’y v’naient, c’tait habillés avec des costumes d’astronaute, avec des masques pis des gants.
Ça m’fait vivre des drôles d’émotions, un mélange de tristesse pis de colère, ça m’brasse en d’dans. Quand tu vois ça, tu te dis : « shit, ça se peut pas. »
Faudrait que ceux qui décident viennent voir ces gens-là. Y sont pas là pour rien, y’ont leurs histoires pis leurs vies.
J’trouve qu’la société a pas les yeux assez ouverts pour ces gens-là. J’leur dirais : « désolé que vous êtes pas capable d’avoir les yeux assez ouverts, parce que vous avez pas fini d’en avoir des affaires de même, tant que vous allez continuer à emboîter les gens dans les HLM avec pas d’aide ou pas assez ». Nous autres les bénévoles on a du cœur pour pouvoir aider, faudrait qu’vous autres aussi vous ayez du cœur pour les gens qui sont écrasés. Mon histoire, est pas là pour à rien. C’est pas d’la fiction, c’est d’la réalité pis y faut que ça se sache…
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